BIO

 

Roxane Gouguenheim est une artiste plasticienne française qui développe, après des études doctorales en cinéma et esthétiques en co-tutelle avec Tokyo, 2015 une pratique plastique ancrée dans une pensée de la nuit historique. À travers la peinture, la sculpture, l’image numérique/vidéo ou l’installation, elle interroge la persistance des ruines, la segmentation et le manque des corps, les formes de rémanence et les traces laissées par les grandes catastrophes du XXe siècle – guerres, extermination, déracinement. Son œuvre puise dans la pensée nietzschéenne et les théories critiques de Walter Benjamin, Arendt ou Theodor W. Adorno, tout en engageant une forme plastique propre, tendue, frontale, où l’abstraction est toujours traversée par le déplacement du réel.

​La peinture y devient matière d’expérience, surface d’archivage, condensation visuelle de la violence historique. Elle se construit par strates, accidents, gestes retenus ou violents, où apparaissent parfois des fragments d’écriture, des figures déformées, des corps à mi-chemin entre leur aboutissement et leur destruction.  Son travail ne cherche pas à réparer : il expose, fragmente, assemble, jusqu’à faire apparaître des points de condensation où le regard est forcé de penser.

Le travail de Roxane Gouguenheim se présente donc comme une recherche transversale sur les structures de pouvoir internes des œuvres à travers leur production tant au niveau plastique que philosophique et économique. Le travail de matière est ce qui attire immédiatement l’œil du spectateur. L’apparente maîtrise des matériaux laisse planer le doute sur leur origine et instaure l’image-écran qui permettra au travail de mettre en place une stratégie de contamination scopique. Le faire est un des axes principaux, la technique est volontairement conceptualisée, à rebours des prescriptions académiques, de l’ordonnancement euclidien et des industries de production. Ainsi le choix des outils comme celui des armes devient central, les brosses en métal diverses destinées à soustraire les signes du temps, de l’usure, à balayer, les supports à protéger le beau, l’important des souillures de substrats pauvres sont les marqueurs et les mémoires. A partir des matériaux détournés les œuvres se produisent et se génèrent dans un flux heurté par les problématiques de technicité, d’impossibilité de transmission, de temps, de mémoire/oubli et de légitimité. C’est aussi une partie des incarnations absentes qui s’insinuent silencieusement dans les œuvres rendant par là-même un hommage pudique et symbolique à ceux qui n’ont pas eu de place dans les mémoires.